Christian Cotten est psychosociologue, psychothérapeute, Président de Politique de Vie, auteur de Mafia ou Démocratie, Prophétie pour une VIème République, Louise Courteau Éditrice, 2003.

La cause est entendue : les Raéliens sont fous. Pensez-donc: ils croient aux extra-terrestres. En effet, il faut vraiment être fou pour croire une chose pareille. Il n’y a aucun argument rationnel à une telle thèse: si c’était vrai, cela se saurait… (je laisse le lecteur continuer de lui-même la liste des lieux communs de la crasse intellectuelle et de la paresse neuronale sur ce thème).

Et en plus, ils se prennent même pour des Juifs, auxquels manqueraient le seul préfixe «  Is  » -. Auraient-ils, ces prétendus Juifs-là, perdu la raison avec le préfixe? Quant à leur Gourou (enseignant sanscrit), quelle plaisanterie ! Le parfait exemple du faux prophète: simple journaliste illuminé un jour d’automne dans un enlèvement de soucoupe, il revint sur terre pour répandre la bonne parole et s’enrichir de la naïveté de ses auditeurs…

Ainsi va le monde : depuis la nuit des temps, les explorateurs de la conscience vont à la rencontre de leurs dieux et reviennent raconter pour organiser à leur tour explorations et voyages dans la conscience universelle ; où est le problème, même si tous ceux qui reviennent de leurs voyages mystiques ont bien souvent le sens des réalités ordinaires quelque peu altéré ? Encore que : l’église catholique, cette secte juive qui prit le pouvoir en Europe pour deux millénaires, n’est-elle pas en France le premier propriétaire terrien et immobilier ?

Je ne connais pas personnellement le Grand Gourou des Raéliens, mais je suis certain d’une chose : c’est un gourou–prophète fou parfaitement normal, comme la plupart des gourous-prophètes fous que l’humanité produit depuis la nuit des temps. Comprenons-nous bien : l’humain, dans sa souffrance, ne peut se passer des gourous-prophètes fous – chamans, magiciens, guérisseurs, médecins de l’âme et des corps, sorciers, alchimistes et autres psychanalystes – qui lui apportent espoir et promesses de vie meilleure dans l’au-delà terrestre, du côté des voyages de la conscience, là où il peut «s’envoyer en l’air» (par le sexe ou par l’esprit).

Raël ne faillit pas à sa mission : il joue le rôle de sa fonction sociale, indispensable à l’équilibre de l’humain ; certes, c’est un rôle très difficile, sans normes définies, créatif par nature, en dialogue permanent avec les folies les plus sombres de l’inconscient individuel et collectif : de ce dialogue-là émergent forcément, un jour ou l’autre, des incursions au-delà des limites du pathologique ; c’est ainsi que se forment les guérisseurs et thérapeutes, depuis la nuit des temps, en prenant le risque ultime de connaître dans leur propre expérience la folie et la souffrance, pour en revenir grandis et ainsi aider les autres.

Je suis désolé pour les imbéciles et les sous-équipés de la culture : les Raéliens sont beaux et bons et ils cherchent, comme nous tous, la vérité. Et ce n’est pas parce que leur vérité n’est pas la mienne que je vais crier au loup avec la meute des chasseurs de sectes.

Depuis quelques années, j’ai eu l’occasion de rencontrer nombre d’adeptes de cette secte qui sent le souffre et le parfum des femmes. Je n’ai jamais été violé ni par l’un ni par l’une d’entre eux (elles), je n’ai jamais eu connaissance de viols d’enfants et tous ceux avec qui j’ai dialogué dégagent une belle lumière intérieure et beaucoup d’amour de leur prochain.

Alors, s’il vous plait, messieurs les cloportes chasseurs de sectes intégristes de la pensée unique, foutez-leur la paix.

Oh, certes, dans la belle logique de la libération sexuelle des années 70, les Raéliens font partie de ces groupes de développement spirituel et psychologique qui explorèrent à leur manière la sexualité comme voie d’accès privilégiée au divin : et alors ? Leur volonté de donner aux jeunes une éducation sexuelle de qualité est très certainement préférable à l’abrutissement de la pornographie vulgaire lâchée aux adolescents et aux moins jeunes sans aucune ligne éducative autre que la flatterie des instincts animaux les plus primitifs et des perversions les plus tortueuses. Je préfère de toute évidence les prises de risques de ceux qui explorent la dimension spirituelle de l’énergie sexuelle, avec ses corollaires éducatifs, aux profits immodérés des marchands de sexe télévisuel.

Bon, il est vrai que la divinisation de LA Science par les Raéliens m’agace, quand l’on sait à quel point celle-ci peut aussi être perverse. Leur promotion du clonage et des OGM ne va pas avec ma culture. Bon. Et alors ? Est-ce une raison suffisante pour les persécuter ?

Il est vrai que j’ai un peu de mal à comprendre leur relation au divin, eux qui affirment que Dieu n’existe pas, que seuls les humains et les extra-terrestres suffisent à expliquer le monde : mais d’où vient qu’il faudrait toujours comprendre et être d’accord avec l’Autre pour le respecter ? Précisément, le problème du respect ne se pose que face à l’Autre, pas face au Même. Sans Autre, je n’ai plus besoin d’apprendre le respect. C’est pourtant bien la base de toute possibilité de civilisation: sortir de la barbarie de l’instinct animal de la violence implique justement de reconnaître l’Autre comme différent de soi et, à partir de cette reconnaissance, apprendre à respecter ses différences. Il se pourrait bien que les Raéliens, comme tant d’autres minorités spirituelles nouvelles, jouent ce rôle-là: nous obliger tous à apprendre le respect, qui fait de nous des humains civilisés et non plus des prédateurs.

Autrement dit, le spectacle d’une soi-disant folie que les Raéliens ou d’autres nous donnerait à voir est, peut-être, précisément, le meilleur antidote à la terrifiante folie de l’humain qui le conduit à n’accepter que le Même fantasmatique, miroir narcissique de soi. La folie que nous sommes obligés d’apprendre à respecter est sans doute ce qui, précisément, nous permet de ne pas tomber tous dans la véritable folie de l’indifférenciation, base de tous les totalitarismes ; nos sociétés ont toutes besoin des fous créatifs explorateurs de la conscience, pour nous obliger à reconnaître que le seul trait qui réunit tous les humains dans une suprême égalité est celui-ci : nous sommes tous parfaitement, absolument et définitivement égaux dans le fait de ne pas l’être.

Bref, j’aime mes potes Raéliens et leurs femmes: ils ont le cœur sur la main, ils sont chaleureux, attentifs aux autres, ils rayonnent beauté et amour. Oh, je ne me fais pas d’illusion, ils sont aussi leurs parts d’ombres, comme chacun de nous. Qui peut prétendre être parfait et rester chaque jour dans la lumière et l’amour du Saint-Esprit? Mais je constate une chose, chez eux comme dans la plupart des «sectes» que j’ai rencontrées ces dernières années: le travail psychologique et/ou spirituel accompli dans ces chaudrons du diable que sont les sectes laissent la plupart du temps de belles traces; l’amour du prochain comme de soi-même y progresse toujours, vers plus de beauté, de bonté et de vérité.

Je laisse les rumeurs immondes et les crachats aux poubelles de l’Assemblée Nationale et de TF1.

Raéliens, vous êtes fous, je vous aime.

Extraits

Pour lire l’intégralité de l’article voir le livre  « Fiers d’être Raéliens » p 41 à p 44

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